Ouest-France Jean-Philippe NICOLEAU. Publié le 26/11/2022 à 17h39
Angers. À 80 ans, avec son avion, il continue à construire des ponts entre les nations
Installé à Angers (Maine-et-Loire), Jean-Michel Collineau vole depuis plus de soixante ans. Ce samedi 26 novembre, il a reçu la médaille d’honneur de l’aéronautique française pour son engagement. Rencontre avec un aviateur humaniste, qui cite volontiers Antoine de Saint-Exupéry.
Jean-Michel Collineau, c’est une passion. Chez lui, à Angers (Maine-et-Loire), tout le dit, tout le montre. Sur les murs, sur les tables ou les bureaux, il y a des photos, des affiches, des diplômes, des médailles, des livres, des cartes. Comme autant de témoins.
À 80 ans, cet Angevin d’adoption est toujours mordu d’aviation. La tête en l’air, tout le temps. D’ailleurs, il dit, avec le calme qu’apporte l’évidence : « Si vous m’enlevez l’avion, vous m’enlevez la vie. » Une vie qui, pourtant, ne l’a pas épargné.
« Bloqué là, à Angers »
En 2007, il a perdu, successivement, sa sœur, son épouse, son fils. « Je me suis retrouvé bloqué là, à Angers, où je m’étais installé il y a quinze ans », ajoute-t-il. Retraité, Jean-Michel était un deuil.
Il aurait pu sombrer, mais non… « Ce qui m’a fait tenir, c’était les contacts que permettait ma passion. » Les contacts, les autres. Ici, mais aussi ailleurs. Surtout ailleurs, dans des pays proches ou lointains. Comme si, finalement, l’avion l’emmenait loin d’un réel parfois lourd à porter.
1 750 heures de vol
Car, non content d’être un pilote émérite depuis soixante ans ; président, pendant vingt-deux ans, de l’aéroclub d’Ancenis (Loire-Atlantique) ; totalisant, à ce jour, 1 750 heures de vols, Jean-Michel Collineau est aussi l’organisateur, depuis trente ans, du Rallye Aéro France.
Le but de cette association, affiliée à la Fédération française d’aéronautique et composée de pilotes venus d’aéroclubs de France : « développer le voyage outre frontières ».
Maroc, Tunisie, Libye, Liban Israël, Russie… En trente ans, le Rallye a posé ses avions dans une trentaine de pays.
« Une dimension culturelle »
Mais, attention, les participantes et les participants ne font pas dans le tourisme satisfait… « Il y a une dimension culturelle dans notre action », insiste Jean-Michel Collineau. Culturelle et diplomatique.
« Un voyage demande des mois de préparation et d’entretiens avec les autorités de la France et du pays visité », poursuit-il. En résumé, avant de partir, Jean-Michel borde le bébé, comme on dit. Rien n’est laissé au hasard. Résultat : aucun accident, aucun crash. Aucune fausse note.
Invité par la Corée du Nord !
« Si on nous reçoit, c’est parce qu’on ne fait pas de politique. Jamais. On ne juge pas. Et les pays se plaisent à recevoir le Rallye Aéro France parce qu’il représente une image. » Celle d’une France qui séduit encore.
Ses membres participent ainsi, sur place, aux commémorations, aux cérémonies. Après une visite en Russie, Jean-Michel Collineau a même été contacté par un « porte-parole » européen de la Corée du Nord, pays le plus fermé au monde ! « Dans son mail, il me disait : « Venez chez nous ! » »
«Il y a des questions de sécurité »
On en restera, pour l’instant, à la déclaration d’intention, car l’octogénaire sait qu’un tel déplacement est délicat. « Il y a des questions de sécurité. De toute façon, je ne le fais pas si je n’ai pas l’appui de mon gouvernement. »
Ce qu’il retiendra de ses multiples voyages ? Sans doute son séjour en Russie, en juin 2019. Et cette remise de médaille de l’aviation civile par le vice-ministre russe de l’Aviation et l’ambassadrice de France à Moscou. « Alors que les Russes ne décorent que très rarement les étrangers. Pratiquement pas. »
Trop de murs, pas assez de ponts
Ce samedi 26 novembre, il a reçu une autre médaille, à l’occasion d’un séminaire organisé à Angers par le Comité régional aéronautique Pays de la Loire, Bretagne, Normandie et Centre. La distinction sera remise par le président de la Fédération française aéronautique. Jean-Michel Collineau, c’est une fierté…
C’est, aussi, plein de projets, encore. Prochaine destination, en 2023 : l’Égypte. Il planche déjà dessus. À 80 ans, il continue à voler. À rencontrer l’autre, ailleurs, sans préjugés. Imprégné par les mots d’Antoine de Saint-Exupéry (et d’Isaac Newton, accessoirement), qu’il cite souvent : « Les hommes élèvent trop de murs. Et ne construisent pas assez de ponts. »